Les fondements théoriques de l’économie triale

Périodiquement les spécialistes, et aussi les hommes politiques, éprouvent le besoin de justifier, les uns le libéralisme, les autres le socialisme. Mais l’erreur des uns et des autres n’est-elle pas dans le fait de vouloir à tout prix plaquer une idéologie sur une réalité plus complexe, ne pouvant s’enfermer dans un seul système ?
Serge-Christophe Kolm, dans son livre « La bonne économie, la réciprocité générale » (PUF 1984), distingue « trois types de transferts, trois façons de les effectuer, qu’on peut appeler la force, l’échange et le don, vu sous l’angle de celui qui effectue ou cède le transfert : par la force, (où celui) qui cède le bien ou le service ou effectue l’acte qui constitue le transfert y est contraint ; dans l’échange, (où) il y est incité par l’instauration d’un autre transfert, à son bénéfice, conditionnel à celui que lui-même cède ; dans le don, enfin, sa motivation venant de la seule existence de l’effet de son acte sur le ou les bénéficiaires (ou peut-être sur ces tiers, ou sur sa propre conscience) ».
A ces trois comportements correspondent trois types de système économique : à la force correspond l’économie de plan, c’est-à-dire le socialisme ; à l’échange correspond le libéralisme (ou le capitalisme) ; au don correspond le « don contre don » existant dans certaines sociétés primitives et aussi dans les premières communautés chrétiennes.
Serge-Christophe Kolm suggère que ces trois systèmes économiques coexistent dans tout pays normalement organisé, évidemment dans des proportions spécifiques à chaque pays. C’est sur cette base que nous avons conçu « l’économie triale ».
Tout pays a besoin d’une économie qui réponde à trois finalités : 1) piloter l’économie dans le sens du bien commun ; 2) assurer, si possible, une balance commerciale avec un solde positif ; 3) assurer la satisfaction des besoins de première nécessité pour tout citoyen.
Le moyen d’assurer la première finalité est le secteur régalien qui couvre les activités sous le contrôle direct du chef de l’Etat, non seulement la politique monétaire, la police et la défense nationale mais aussi certaines activités stratégiques telles que l’énergie, les transports et la communication.
Le moyen d’assurer la deuxième finalité est le secteur marchand qui couvre les échanges avec l’extérieur. Le moyen d’assurer la troisième finalité est le secteur protégé qui couvre notamment la production des biens de première nécessité tels que l’alimentation, l’habillement, la santé, le logement et les équipements du logement. Notons à ce titre que l’agriculture, chargée de fournir les produits alimentaires, doit être à l’abri de la concurrence internationale car, sinon, c’est la ruine de nombreux agriculteurs et c’est pourquoi nous assistons au suicide d’un agriculteur tous les deux jours.
Nous avons chiffré l’importance relative de ces trois secteurs : secteur régalien : 20% du PIB ; secteur marchand : 20% du PIB et secteur protégé ; 60% du PIB. Ce sont des ordres de grandeur qui correspondent à deux finalités politiques : 1) que les besoins assurés en interne correspondent à 80% du PIB afin de ne dépendre de personne ; inversement, on pourrait dire que le secteur marchand, celui qui est dépendant de la situation internationale, ne doit pas dépasser 20% du PIB ; 2) que tout citoyen français ait le minimum vital : ainsi il est aberrant que l’on dénombre dans un pays riche comme la France environ 350.000 SDF. Il devrait y en avoir zéro.