L’ANNÉE MARIALE par la Mère de Chaugy

Consacrez votre attention intérieure aujourd’hui à honorer le travail manuel de la Sainte Vierge : elle était la lingère et la robière de Jésus et de Joseph ; et ceux qui ont peint Jésus, déjà grandelet, qui tient sur ses bras un écheveau de laine ou de fil que la Sainte Vierge dévide, ont une douce pensée ; car cette Femme forte travaillait de ses mains au lin et à la laine, sans que ce travail manuel interrompît quelquefois sa divine contemplation.

Ah ! Sainte Vierge, si le cher Jésus vous aida à dévider la laine dont vous lui fîtes sa robe sans couture, vous en cacha-t-il le mystère, et ne disposa-t-il point votre Cœur maternel à le voir dépouillé de ce précieux vêtement qui devait être joué et tiré au sort sur le Calvaire, le jour de sa mort douloureuse ? Ah ! que je veux aujourd’hui apprendre à aimer les petits offices en la maison de Dieu !

Hier, vous honorâtes la Sainte Vierge dans le travail, honorez-la aujourd’hui dans le repos ; et, pour cette application, vous n’aurez besoin que de la douce pensée de notre Père saint François de Sales. « Oui, Théotime, dit-il, la Sainte Vierge Marie, Mère de Dieu, dormait, et, quand elle mettait son corps angélique sur son lit de repos : Sus, disait-elle, reposez-vous, tabernacle de l’Alliance, arche de la Sainteté, trône de la Divinité ; allégez-vous un peu de votre lassitude et réparez vos forces par cette douce tranquillité. Ne voyez-vous pas, Théotime, que ce sommeil est un sommeil d’amour ; de sorte que son Époux même dit : Gardez-vous bien d’éveiller ma Bien-Aimée, jusqu’à ce qu’elle le veuille. » (Traité de l’Amour de Dieu, L. III, ch. VIII) Oui, Reine céleste, vous ne donnâtes jamais de repos à votre corps précieux que pour le ravigoter, afin qu’il servît mieux la souveraine Majesté. Faites-moi la grâce que mon repos et mon mouvement soient unis au vôtre pour le service et la gloire de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Honorez aujourd’hui en la Sainte Vierge cette parole de l’Épouse : Je dors, mais mon Cœur veille. Notre Père saint François de Sales dit que la Sainte Vierge ne dormait que d’amour et par cette douce nécessité que Dieu imposa dans le Paradis terrestre à l’innocent Adam. Ce dévot Père veut que les songes de cette Vierge Sainte n’aient été que de son cher Jésus, parce qu’elle n’avait que Jésus au Cœur, dans l’imagination et dans la pensée.

Cette Sainte Vierge est souvent nommée l’Aurore dans la sainte Écriture, pour nous apprendre qu’elle était matinière ; que, si elle ne passait pas toutes les nuits en contemplation, au moins elle retournait dès le grand matin à l’actuelle méditation des merveilles de son Jésus ! Ah ! Vierge Sainte, veillante et vigilante, chassez de moi la paresse ; unissez l’emploi de mes matinées aux vôtres !

La Sainte Vierge n’a été sujette ni au péché, ni aux maladies corporelles qui en sont l’apanage, mais elle l’a été aux innocentes nécessités de la vie humaine, comme de se chauffer, de se reposer, de se vêtir, de boire et de manger. Nous avons vu cette Sainte Vierge travaillant, se reposant et priant ; voyons-la aujourd’hui prenant ses repas. Ah ! que la petite table de Jésus, Marie et Joseph était modeste ! Que les mets apprêtés par Marie et bénis par Jésus étaient délicieux ! Je mettrai souvent ce divin exemple devant mes yeux en prenant les nécessités du boire et du manger ; je remercierai Jésus, Marie et Joseph, et tâcherai que l’image de leur sainte Famille me soit présente dans toutes les actions domestiques et dans celles de la nécessité humaine du boire et du manger, ne les prenant que devant elle et avec sa bénédiction.

Quoique la Sainte Vierge ait été le modèle accompli de la retraite, du silence, de la vie particulière, des saintes veilles, de la prière sans interruption, du travail manuel et de l’abstinence même, si faut-il avouer aussi qu’elle a été le parfait modèle de la sainte conversation, non-seulement chez sa cousine sainte Élisabeth (comme nous avons vu en détail au mois de juillet), mais en toutes les rencontres où elle a été obligée de paraître, ou par nécessité ou par civilité. Voyez aujourd’hui comme d’honnêtes gens de Galilée l’invitant aux noces, cette Vierge toute pure ne refuse point cette innocente condescendance à son prochain ; elle ne fait point la renchérie ; elle y va tout simplement ; elle y paraît, comme partout, très-saintement ; elle y est avec Jésus et ses disciples, dit l’Évangéliste, ce qui fait voir que Jésus ne se sépara point totalement de sa sainte Mère dans les commencements de sa vie publique, puisqu’il se trouva aux noces avec elle et ses disciples ! Ah ! saint François de Sales, que vous avez heureusement compris l’esprit de Jésus et de Marie dans la très-parfaite condescendance de se rendre tout à tous, pourvu qu’en tout Jésus nous soit présent !

Trouvez-vous aujourd’hui aux noces de Cana en Galilée, et considérez qu’encore que Jésus, Marie et les disciples soient présents, l’humiliation et la peine ne laissent pas de se trouver au milieu de la joie et de la gloire de ce monde. Mais voyez comment ces bonnes gens s’adressent à Marie pour lui représenter leurs nécessités et le manque de vin ; regardez aussi comment cette Vierge dit doucement, respectueusement, et sans doute bassement, à son cher Jésus, qui était à table proche d’elle : Ils n’ont point de vin.

Ô Vierge Sainte ! faites la même représentation pour moi ; dites à Jésus ce qui me manque. Hélas ! que mes besoins sont en grand nombre ! Je n’ai ni le vin de charité, ni l’eau de la pénitence, ni le lait de la consolation ; mais je suis assez pourvue, ô Sainte Vierge ! si je vous ai pour Mère, pour Protectrice et pour Avocate.

Vous visitiez hier la Sainte Vierge pitoyable et suppliante aux noces de Cana en Galilée ; voyez-la aujourd’hui dans une intelligence d’amour avec son Fils, et dans une action de souveraine autorité et confiance. Le cher Jésus, qui dans ce festin ne paraissait qu’un homme modeste et vertueux, fit à sa Mère une réponse en apparence assez sévère, dit saint François de Sales ; mais cette sainte Mère entendit bien ce langage de l’amour, et ne laissa pas de faire ce grand et doux commandement : « Faites ce que mon Fils vous dira. »

Ô Vierge Sainte ! la grande parole ! Le Père éternel dit de Jésus : Voilà mon Fils bien-aimé, écoutez-le ; et la Mère de ce doux Jésus ajoute : Faites ce qu’il vous dira, sachant bien que l’écouter sans lui obéir, ce n’est rien faire pour notre salut. Ô mon âme ! mettons-nous aujourd’hui aux écoutes pour ouïr le Verbe, et prenons une invariable résolution de faire ce qu’il nous ordonnera ; quoique son précepte choque la raison humaine, la puissance divine agira.

Voyez aujourd’hui avec joie la complaisance qu’eut la Sainte Vierge en Cana, lorsqu’elle vit que son adorable Fils commandait qu’on remplit d’eau les cruches vides, qu’elle s’aperçut que cette eau était convertie en vin très-excellent et qu’elle avait tiré de confusion ceux qui les avaient invités aux noces, et qu’elle entendit chacun s’étonner et louer Dieu de ce miracle. Elle ne doutait pas de la puissance de son Jésus ; mais elle avait une sainte complaisance de voir la Divinité glorifiée, ce qui lui donnait sujet de recommencer son Cantique : Mon âme magnifie le Seigneur ! Hé ! très-sainte Mère de Dieu, que vous auriez de joie en moi, si je n’étais point résistante à la grâce, et que, par la simplicité de mon obéissance, l’eau de ma tiédeur fût convertie en vin d’une sainte ferveur !

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge dans le temps de la vie publique de Jésus-Christ. Elle le suit, soit pour le servir avec les autres femmes dévotes, soit pour lui parler en faveur de quelques nécessiteux et affligés ; mais, surtout, regardez-la bien en cette remarque du saint Évangile, attendant humblement à la porte du lieu où Jésus prêchait et ne pouvant entrer que lorsqu’on alla dire à ce divin Prédicateur : Votre Mère et vos frères vous attendent, lui donnant ainsi l’occasion de répondre cette admirable parole : « Ceux qui font la Volonté de mon Père céleste sont ma mère, mon frère et ma sœur. » Ô mon âme ! que d’instructions dans cette circonstance de l’Évangile ! mais quelle admirable humilité dans cette Vierge et Reine-Mère d’attendre humblement à la porte la fin du sermon sans vouloir interrompre la sainte parole ! La vie de la Sainte Vierge a été tellement unie et cachée en Jésus-Christ, qu’elle a souffert avec lui la pauvreté de sa naissance, l’état persécuté et fugitif de son enfance, la vie reculée, solitaire et inconnue de son adolescence, et enfin tous les travaux, abjections et douleurs de sa vie publique et laborieuse de Rédempteur.

Finissez ce mois par des actions de grâces à la Sainte Vierge de ce qu’elle vous a permis de la considérer dans les divers actes de sa vie, qui tous ont été des combles et des sommets de sainteté. Demandez-lui la grâce d’entrer aujourd’hui intérieurement dans l’esprit et dans l’intention de la très-sainte Église pour dévotement célébrer une si grande vigile ; car la fête du premier jour de novembre est instituée en l’honneur de la Bienheureuse Vierge et de tous les Saints, comme si l’Église nous voulait montrer cette glorieuse Reine dans le triomphe de la cour céleste environnée de tous ses bienheureux courtisans.

Destinez ce mois à honorer la Sainte Vierge comme Reine et Souveraine universelle de tous les Saints.

Suivons aujourd’hui, à notre accoutumé, l’intention de l’Église, honorant la Sainte Vierge sous ce titre qu’elle lui donne : Regina sanctorum omnium, et voyons cette Reine de tous les Saints à la dextre de son Fils, duquel l’Église chante : Tu solus Sanctus : tu es le seul Saint, c’est-à-dire la source de laquelle dérive uniquement la sainteté et de la Reine Marie et de tous les Saints. Tous les enfants de l’Église sont appelés à la sainteté ; mais nous n’y saurions parvenir, si nous n’avons la faveur de la Reine. Disons donc aujourd’hui mille fois : Je vous salue, Reine de tous les Saints, priez pour nous : Ave, Maria, Regina sanctorum omnium. Jésus est le seul Saint, Marie la seule Sainte sans exemple.

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& PAROLES de ce Cantique des JOIES du PARADIS)

Supplions aujourd’hui Marie, notre sainte et divine Abbesse, de nous permettre de descendre avec elle dans les flammes du Purgatoire, dans ces ardentes conciergeries, où la divine Justice purifie ses élus et fait payer aux enfants de son Église jusqu’à la dernière maille des dettes qu’ils ont contractées en cette vie. Oh ! bienheureuses âmes souffrantes, qui se sont acquis Marie pour pleige et répondante, et qui osent lui dire : « Ô Marie, je souffre de grandes violences, répondez pour moi ! » Priez la Sainte Vierge pour les âmes du Purgatoire ; qu’elle obtienne de son cher Fils qu’il jette sur leurs flammes une goutte de son Sang précieux.

Employez ce jour à honorer la Sainte Vierge comme étant la couronne du glorieux saint Joseph, son époux, et appuyez votre pieuse pensée sur deux passages de l’Écriture : le premier est de Salomon, qui dit que la femme diligente est la couronne de son mari. Ah ! qui eut jamais une Épouse si diligente, si vaillante, si vigilante et si soigneuse que saint Joseph, puisque le Père éternel l’a choisie entre toutes les créatures pour confier son Fils unique à ses soins maternels ! – Le second passage est du saint Évangile, qui assigne un rang à saint Joseph plus proche de Jésus et de Marie que celui de tous les Patriarches et de tous les Prophètes, disant : Jacob fut père de Joseph, époux de Marie, de laquelle est né Jésus. Cette place d’honneur et de proximité lui ayant été donné en terre dans l’Évangile par l’Esprit de Dieu, ne lui a pas été ôtée dans le ciel. Ainsi, ô glorieux père saint Joseph ! nous devons aujourd’hui vous révérer parmi cette troupe glorieuse, comme tenant votre partie dans la Trinité créée : Jésus et Marie, selon les saintes Lettres, sont votre couronne : l’un comme Fils obéissant et l’autre comme Épouse fidèle.

Pour ne point détacher notre attention de la sainte intention de l’Église, qui nous occupe du triomphe de la Jérusalem céleste, employons tout ce mois à honorer Marie comme le sommet, l’éminence et la Reine de tous les Bienheureux, selon l’ordre dans lequel la sainte Église nous les fait réclamer. Honorons-la aujourd’hui comme Reine des Anges, et principalement de ce neuvième chœur, duquel les doctes et les dévots estiment que Dieu tire les Anges gardiens de chaque particulier. Hélas ! mon cher Ange tutélaire, combien je me réjouis que la Sainte Vierge soit votre Reine ! Ô Marie, faites bien entendre à mon bon Ange que je suis votre créature, afin qu’il redouble de soin pour moi, à cause de cette appartenance. C’est la vérité, Reine des Anges, que vous êtes la très-spéciale gardienne de tous les enfants de grâce. Mon Ange gardien se tient bien honoré d’être votre commis, et je crois accroître sa gloire et sa joie accidentelle quand je le salue comme commis auprès de moi, de la part de Marie, Reine des Anges.

Saluons aujourd’hui la Sainte Vierge comme la Reine des Archanges, du chœur desquels les dévots croient que Dieu tire les Anges protecteurs de toutes les Communautés ; et voyant que Marie est la Mère universelle de toutes les assemblées où son Fils est connu, adoré et servi, supplions cette divine Mère de toutes les maisons de Dieu, qu’il lui plaise de donner ses ordres aux Archanges, afin qu’ils protègent, conservent et perfectionnent toutes les familles de piété dont cette Reine est la principale Mère, et, comme dit notre bienheureux Père saint François de Sales, le principal appui après Dieu, l’Abbesse et la Maîtresse.

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge comme Reine des Principautés, et parce que l’on estime que ces Anges ont direction et pouvoir sur les monarchies, concevez une douce joie de ce que Marie, Mère de Dieu, est véritablement Souveraine des rois, des reines et de toutes les principautés, en son Fils Jésus-Christ ; car, étant le Roi des rois, il a voulu que sa sainte Mère lui fût comme associée dans le gouvernement de l’Église. On peut donc dire avec les Saints que la vertu du Sang et des grâces du Sauveur lui a été comme remise en dépôt, afin que, par ses mains, les frères et les cohéritiers de son Fils bien-aimé fussent partagés selon l’ordre de leur élection. Jésus était Fils de Dieu et Fils de Marie : cette Mère a survécu à son Fils ; ainsi, elle a dû hériter de ses biens. Ô sainte et glorieuse Princesse ! il n’est point de monarque en l’Église qui ne se dise votre vassal et qui ne vous cède la principauté par religion et par amour. Exercez sur nos cœurs votre souveraineté, et donnez à tous les princes chrétiens le zèle du salut de leurs peuples, l’esprit de paix et la charité universelle.

Le septième jour de novembre, passant à la seconde hiérarchie, honorons la Sainte Vierge comme Reine des Puissances, qui sont un chœur angélique auquel on attribue la force sur les démons. Ô Marie, que ce titre vous convient merveilleusement bien ! Vous êtes si généreuse, si invincible et si redoutable à ce prince des ténèbres qu’il n’a jamais eu la hardiesse de vous attaquer ; c’est assez qu’il ait osé, en frémissant de rage, en vouloir à votre talon, pour user des termes de l’Écriture. Nous prendrons aujourd’hui pour dévotion de répéter souvent dans nos oraisons jaculatoires ce verset, auquel possible nous n’avons jamais donné une sérieuse application : Ô Vierge toute-puissante, rendez-nous dignes de vous louer et donnez-nous vertu contre vos ennemis. Oui, divine Reine, vous êtes une si bonne Mère que vous tenez les ennemis de notre salut pour vos ennemis ; c’est ainsi que vous haïssez saintement les ennemis de la sainte Église, les ennemis de la Croix, les ennemis de l’Évangile, les ennemis des vertus chrétiennes, parce que vous êtes la Mère du Bel-Amour, qui est le Père de toutes les vertus ; et, comme l’Église vous appelle toute-puissante, secourez nos faiblesses et nos impuissances contre vos ennemis.

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge comme la Reine des Vertus, qui font le cinquième chœur des Anges. Elle possède ce titre non-seulement par son entière perfection, plus angélique qu’humaine, mais encore dans le sens auquel on le donne à ces esprits bienheureux, qui ont regard et emploi sur les miracles que Dieu veut faire en son Église. Ô divine Marie, le miracle des ouvrages de Dieu ! n’êtes-vous pas le canal des merveilles de la grâce ? Y a-t-il sous le ciel une puissance ou un royaume, une ville, un hameau où le doux nom de Marie étant réclamé, l’on ne se sente de votre miraculeuse protection ? Vous pouvez dire comme votre Fils adorable, quand il était pressé par la multitude et qu’une femme fut guérie : « Qui est-ce qui m’a touchée ? Car j’ai senti une vertu miraculeuse sortir de moi. » Ainsi, ô Reine des Vertus, on ne peut vous approcher sans ressentir vos bienfaits ; mon amour et ma pensée vous veulent approcher et toucher incessamment : faites un miracle sur mon cœur et pour mon cœur, en le guérissant de ses maux.

Honorez en ce jour la Sainte Vierge comme Reine des Dominations, qui forment le sixième chœur des Anges. Ô Vierge très-sainte ! n’êtes-vous pas la Mère de l’Agneau dominateur, la Mère du Seigneur, à qui le Seigneur a dit d’être assis à sa dextre, pour dominer même au milieu de ses ennemis ? À qui mieux qu’à Marie convient le titre de Dame des Dominations et des dominateurs ? Ô Vierge dominante, Reine de toutes les dominations, ah ! que mon âme désire d’être sous votre domaine ! Les Dominations ont de l’intendance sur les Anges inférieurs ; mais, pour vous, tout ce qui n’est pas Dieu vous est inférieur. Vierge sacrée, je vous supplie de dominer souverainement sur toutes mes passions, humeurs et inclinations.

Le septième chœur angélique s’appelle les Trônes. Ce n’est pas mon dessein, non plus que ma capacité, de discourir des propriétés et dignités des Anges, mais seulement de les regarder selon que la sainte Église nous les propose, pour y voir toujours en chef leur Reine, que vous honorerez aujourd’hui tout spécialement comme Dame des Trônes, ce qui veut dire autant que Reine de la stabilité et tranquillité divines. Ô Marie, vous êtes le plus digne et le plus vénérable de tous les trônes de Dieu ! Saint François de Sales dit que : « Hors du sein de Dieu, l’Homme-Dieu est plus glorieusement sur vos genoux et sur votre sein que dans le ciel empiré, parce que, dit-il, si le ciel a plus d’êtres visibles, votre Cœur a plus de vertus invisibles. » Vous recourrez dans vos misères à Marie, la regardant comme le trône de la divine Miséricorde.

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge comme la Reine des Chérubins, qui font le huitième chœur des Anges et qui excellent en lumières et en connaissances.

Cette Vierge très-pure a pénétré dans les conseils de Dieu dès le moment de son Immaculée-Conception, et a reçu, par la grâce, des clartés et des connaissances où tous les Chérubins ensemble n’étaient pas encore parvenus, de sorte que nous voyons cette jeune Vierge, dans son entretien avec l’Ange et dans son sacré cantique du Magnificat, raisonner si profondément et s’élever si hautement en la vue des grandeurs divines, que nous ne pouvons douter de ses lumières pour l’intelligence du mystère caché en Dieu jusqu’alors. Offrons-lui aujourd’hui nos ténèbres pour qu’il lui plaise de les dissiper. Cette âme n’est illuminée que de Dieu seul, mais elle illumine, purifie et perfectionne tous les enfants de Dieu, comme dit notre saint Fondateur.

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge dans son entière souveraineté sur les Anges, dont les Séraphins composent le neuvième chœur. Ces esprits célestes excellent en l’amour de Dieu par-dessus tous les autres. Mais, dit saint François de Sales, ils sont aussi inférieurs à la sacrée Vierge, comme le titre d’Amante, de Mère et d’Épouse de Dieu est supérieur à celui d’esprit servant le Seigneur, qui est celui que l’Écriture sainte donne aux Anges. Saluez donc cette Reine des Séraphins et dites-lui : « Ô sainte et plus que séraphique Marie ! qui de ces esprits célestes, quoique tout ardents de flammes divines, a jamais approché de votre sainteté, de votre ardeur, de votre dignité ? Lequel des Séraphins osera dire à l’Homme-Dieu : Vous êtes mon Fils, je suis votre Mère ! Ah ! que vos prérogatives et vos droits sont éminents au-dessus d’eux ! » Ils voilent leur face, comme dit le Prophète, devant la Majesté divine ; mais vous seule, ô Marie, par un privilège d’amour et de maternité, avez voilé la Face de Dieu ; non seulement quand le Verbe se fit chair dans votre sein virginal, mais lorsque, dans l’enfance de cet Homme-Dieu, vous la lui couvrîtes souvent de ses langes dans son berceau.

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge comme la Reine des Patriarches et des Prophètes. Les uns ont été ses pères et ses aïeux, les autres l’ont annoncée et l’ont vue de loin dans les desseins de Dieu ; mais elle les a tous surpassés, et, de leur fille, elle est devenue leur Reine. Sa foi et son espérance ont surmonté celle d’Abraham ; son obéissance, celle d’Isaac ; ses services, tous ceux de Jacob ; en sorte que le Dieu d’Israël a mieux aimé la seule Porte orientale de Sion, que tous les tabernacles de Jacob. Aussi a-t-elle dépassé Noé en soins et en miséricorde pour tirer les siens du déluge des afflictions. Ô Vierge Sainte ! plus excellente que les Patriarches et les Prophètes, on peut à bon droit dire de vous ce que Notre-Seigneur dit de son Précurseur, car vous êtes plus que les Prophètes et les Patriarches. Prophétisez-nous notre bonheur éternel, et nous donnez le pouvoir absolu sur nos ennemis qui pourraient l’empêcher.

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge comme la Reine de tous les saints Innocents, puisque, étant la Mère de Jésus, le seul de tous les hommes qui ait pu dire avec vérité : Qui est-ce qui pourra me reprendre de quelque péché ou me noter de quelque imperfection ? elle a pu dire, par grâce et privilège, ce que Jésus a dit par le droit de sa nature impeccable : « Qui est-ce qui me reprendra d’un péché ou seulement d’un défaut ? » Ô Vierge, Mère de Dieu, Reine de l’innocence et de tous les saints Innocents, obtenez-nous de votre Fils adorable l’innocence réparée par la véritable pénitence, puisque je suis si continuellement pécheresse que si vous n’étiez Mère des âmes pécheresses et pénitentes je n’oserais espérer mon salut.

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge sous le titre que l’Église lui donne de Reine des Apôtres. Nous avons déjà vu, après l’Ascension du Sauveur, le profond respect que ces fidèles disciples lui rendaient ; et, si bien il semble qu’ils aient peu parlé de cette bonne Mère, ce silence a été pour un temps nécessaire à l’Église naissante, d’autant qu’il fallait, parmi ces peuples si perdus dans l’idolâtrie, établir souverainement la croyance à une seule et unique Divinité, et dans l’Église, à un seul et unique chef visible et Pasteur universel, Vicaire de Jésus-Christ. Mais cela n’empêche pas que tous les Apôtres, et après eux les Papes, n’aient honoré, vénéré et consulté la Sainte Vierge comme leur Reine et Mère de Jésus-Christ, seul Souverain, Seigneur des seigneurs. Nous devons donc, avec grande révérence, la saluer sous ce titre glorieux de Reine des Apôtres. La dévotion que tous les Souverains Pontifes lui rendent fait bien voir qu’ils la tiennent pour telle. Demandons humblement qu’elle nous reçoivent au nombre de ses fidèles sujets.