L’ANNÉE MARIALE par la Mère de Chaugy

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge comme Reine et Maîtresse des Évangélistes et de tous les Docteurs de la sainte Église. C’est la vérité que cette sainte Mère de Dieu, tandis qu’elle vivait en ce monde, a instruit les Apôtres, les Évangélistes et tous les disciples qui prêchaient le nouveau règne de la grâce ; car les Évangélistes, particulièrement saint Luc, nous rapportent plusieurs choses qu’ils n’ont apprises que par la bouche de Marie. Et qui a jamais vu Docteur dans l’Église n’être pas enfant, disciple et dévot de la Mère de Dieu ; ne pas préparer ses prédications aux pieds de cette Reine ? Et pour donner une preuve publique de cette vérité que Marie est Reine et Maîtresse de ceux qui annoncent le Royaume de Dieu, il n’est point de Docteur qui parlant en public et ayant proposé sa matière, ne se jette aux pieds de Marie avec tout son auditoire pour dire hautement et tous ensemble : Ave Maria, comme faisant foi et protestation publique, que, sans l’aide et l’assistance de la Mère de Dieu, le docte ne saurait expliquer les vérités saintes, ni l’auditoire les comprendre.

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge sous le titre de Reine des Martyrs et comme la première et la plus illustre Martyre de l’Église, puisque son Cœur a été martyrisé autant de fois que Jésus, son adorable Fils, a souffert de différentes peines ; ainsi que nous l’avons particulièrement remarqué au temps de la Passion du Sauveur, qui ne laissa sa douce Mère en terre, lorsqu’il monta glorieux aux cieux, qu’afin qu’elle édifiât son Église naissante et militante et encourageât et fortifiât les premiers martyrs.

Saint Bernard veut que nous honorions la Sainte Vierge comme ayant été martyre plus longtemps que tous les autres martyrs, puisque son martyre a duré toute sa vie ; car, dans l’Incarnation, Marie conçut déjà le Crucifix, d’autant que Jésus commença d’être crucifié le jour qu’il fut conçu. Disons donc aujourd’hui de tout notre cœur : Ô Sainte Vierge, impétrez-nous, au défaut du martyr du sang, le martyr d’amour, le martyr du cœur et de la mortification, afin que je vous parle pour moi-même, quand je dirai : Ave, Regina martyrum.

Dites aujourd’hui fréquemment de cœur et de bouche : Ave Maria, Regina confessorum, vu que ce titre veut autant dire que Mère universelle de tous les chrétiens, car tous doivent croire et confesser de bouche la profession du christianisme. Dans ce rang se trouvent les Papes, les cardinaux, les prélats, les rois, les riches et tous les pauvres de la chrétienté, de sorte que les mêmes antiennes et versets dont se sert la sainte Église pour louer un saint roi, servent pour louer un saint laboureur, ce qui nous apprend qu’au Royaume de la grâce la vertu donne le rang, et que la Sainte Vierge aime autant un saint rustique avec sa houlette qu’un saint roi le sceptre à la main. Elle cherche en tous les siens l’amour et l’obéissance à Jésus et l’observance de ses lois. Les rangs, les dignités du monde et ses élévations ne donnent pas le rang ni les places pour le siècle à venir.

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge comme la Mère universelle de tous les Ordres solitaires. La sainte Église, dans la commémoration publique qu’elle fait des Saints, donne un rang à part aux ermites et aux anachorètes, et ce nous doit être une pensée bien douce de considérer que la Sainte Vierge a le droit de Reine et Mère souveraine sur ces bienheureuses créatures, qui, comme dit saint François de Sales, ont heureusement quitté toutes choses pour être sur toutes choses à Dieu, et se sont enfermées dans des cavernes, dans des solitudes affreuses et dans des déserts, pour, comme des oiseaux du paradis, ne touchant quasi point la terre, chanter jour et nuit les louanges de Jésus, Marie et Joseph, honorant ainsi, dans les déserts de l’Égypte, la première retraite et la vie cachée de l’Homme-Dieu et de la Vierge-Mère, véritable Reine des solitaires, des anachorètes et des âmes qui mènent une vie cachée. Ô Marie, Mère de Dieu ! conduisez-moi dans les routes bienheureuses de la véritable solitude de l’esprit et du cœur, sans laquelle celle du corps est inutile. Nous avons cherché par les rues et par les places publiques Celui que notre âme aime, et nous ne l’avons point trouvé ; faites, ô divine Marie, que nous le trouvions par votre faveur et que nous ne le quittions jamais.

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge comme la Reine des Vierges et comme celle qui en porte le nom par excellence. C’est aujourd’hui la veille de sa très-sainte Présentation au Temple ; voyons avec quelle ardeur intérieure elle se prépare à sortir de la maison de saint Joachim et de sainte Anne pour aller se sacrifier de nouveau à Dieu. Suivons cette Vierge des vierges ; elle va lever la bannière et l’étendard de la Virginité dans le royaume de la grâce. Suivons-la par une véritable pureté de cœur. Je vous salue, Reine des Vierges, et je confesse qu’à vous seule appartient ce titre, parce que vous avez voué à Dieu votre Virginité par une grâce particulière, avant qu’il y eût sur la terre ni commandement, ni conseil, ni exemple de cette vertu. Ô Vierge ! seule sans exemple, faites-nous la grâce de suivre le vôtre.

Le jour de la Présentation de la Sainte Vierge est si vénérable dans l’Église, et d’une dévotion si particulière aux filles de saint François de Sales, qu’il n’est besoin aujourd’hui que de redoubler l’application de l’esprit et la ferveur du cœur pour renouveler nos engagements, en considérant les instructions paternelles que notre saint Fondateur nous a données sur ce sujet dans le Coutumier et le livre de ses sermons. Nous y joindrons quelques réflexions particulière sur le choix qu’il a fait de ce jour de la Présentation pour nous faire renouveler publiquement nos vœux et notre profession, comme voulant dire que nous faisons profession ouverte et publique de suivre la petite Marie dans sa Consécration et Présentation au Temple ; que nos Monastères sont pour nous des temples, où nous devons adorer et servir la divine Majesté à la suite, à l’imitation et sous la protection de la Sainte Vierge, la Reine des Vierges.

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge dans le Temple parmi ses compagnes. Les unes étaient de jeunes filles offertes et dédiées à Dieu par la piété de leurs parents, en attendant qu’elles fussent en âge d’être mariées ; et les autres étaient des femmes auxquelles il inspirait la résolution de lui consacrer leur viduité et de passer leur vie, comme des hosties saintes, dans une retraite conforme à leur état, au milieu des sacrifices et des occupations pieuses et au lieu où la majesté de Dieu était plus présente qu’en aucun endroit de la terre. C’est là que Marie croissait comme une aurore resplendissante qui devait nous amener la perfection du jour du salut, et nous faire voir l’Époux au midi de la grâce. Elle était comme le lis entre les épines ; sa vie était inconnue aux créatures et cachée à elle-même sous les voiles de son humilité. Elle attendait là, par un abandonnement total de ses vues et de ses désirs, que les desseins éternels de Dieu eussent leur effet, suivant les promesses qu’il avait faites à son peuple. Vierge très-sainte,Vierge séparée et cachée dans le secret de la Face du Dieu vivant, je vous supplie aujourd’hui, par votre séjour au Temple, de m’accorder l’esprit de communauté, c’est-à-dire d’union, d’obéissance et d’exactitude à tous les devoirs de mon état.

La Sainte Vierge ayant été la première Religieuse de la loi de grâce et du royaume de l’Évangile, il est bien juste que nous l’honorions aujourd’hui comme Souveraine, Mère, Reine et Générale de tous les cloîtres. Il n’y a pas de personne religieuse, en quelque partie du monde qu’elle habite, sous quelque règle qu’elle milite, de quelque couleur et de quelque façon qu’elle soit vêtue, qui ne se glorifie de suivre la très-sainte Vierge, de l’avoir pour Reine, pour Mère et pour modèle. Et même saint François de Sales veut que chaque âme dévote bâtisse dans son cœur un petit Monastère intérieur, duquel la Sainte Vierge soit Abbesse. Fort souvent il écrivait à notre digne Mère de Chantal, comme on peut le voir dans ses Épîtres : « Je vous salue, ma chère fille ; que la Sainte Vierge soit toujours l’Abbesse de votre Monastère intérieur ; remettez-lui la clef de cette maison du cœur ; tenez-vous bien à l’ombre de sa crosse, qui est la Croix de son adorable Fils. »

Honorez aujourd’hui la Bienheureuse Vierge, selon la pensée de saint François de Sales, comme la Reine et le modèle de tous les états. Voyez, dit ce Saint, comme cette Mère universelle de tous les enfants de Dieu s’est faite toute à tous, pour attirer et conduire toutes les âmes à son Fils. Mais surtout, regardez combien doucement cette jeune princesse a passé du couvent des vierges dans la congrégation des mariées par son mariage virginal avec saint Joseph, auquel, selon la coutume du temps et la divine destinée, elle fut remise par ses parents. De là, elle passa très-humblement dans le Monastère des veuves après la mort de saint Joseph, et c’est l’opinion de plusieurs Pères, que cette sainte Mère de Dieu, après l’Ascension de son divin Fils au ciel, vécut en terre plusieurs années, comme les autres veuves et les fidèles de la primitive Église, des aumônes, et dans l’unité de biens avec les premiers chrétiens.

Le nom particulier de Filles de sainte Marie, que nous avons l’honneur de porter, et que le peuple semble nous avoir donné par une Providence divine pour nous distinguer glorieusement du commun des fidèles, nous confère le droit spécial de regarder cette divine Mère comme principe de la nouvelle filiation où nous entrons d’une façon particulière par notre profession, et nous oblige à lui rapporter tellement tous nos exercices, nos pratiques de vertu et les démarches que nous faisons dans les voies de la perfection, que nous puissions dire avec vérité que Marie, Mère de Jésus, est notre Mère, parce que nous la représentons, que nous l’honorons et que nous l’imitons autant que nous en sommes capables. C’est ce que notre saint Fondateur nous a voulu persuader quand il nous a fait prendre cette aimable qualité dans l’acte public de notre profession. Repassons-en aujourd’hui les paroles dans notre cœur et dans notre bouche, et prenons fortement la résolution de vivre en vraies filles de sainte Marie, Mère de Dieu.

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge comme la Souveraine et la Mère la plus charitable et la plus expérimentée qu’on puisse imaginer. L’Écriture dit que le Père éternel nous a donné en Jésus son Fils un Pontife qui saura compatir à nos infirmités, parce que lui-même est venu sentir nos douleurs et porter nos langueurs. Reconnaissons en ce jour que la sainte Mère de ce Pontife a, comme son Fils, tout fait, hors le péché, et tout souffert pour nous. Ô Sainte Vierge ! permettez-moi de suivre en esprit les saintes dispositions de votre vie souffrante, afin de pouvoir dire, parmi les mépris et les persécutions, que notre Souveraine, la Mère innocente de ce Pontife innocent, en a été chargée avant nous et pour notre sanctification.

Voyez aujourd’hui que la Sainte Vierge est Reine de la lumière et de toutes les choses dont Dieu est le Créateur, et que sa qualité de Mère de Dieu lui donne un pouvoir aussi souverain qu’il lui plaît de le prendre. L’Ange lui dit : Rien n’est impossible à Dieu, et ce même Dieu veut être votre Fils. Donc rien n’est impossible à Marie, puisque ce Fils et cette Mère n’ont qu’une même Volonté. Il semble que Jésus, s’étant mis sous sa tutelle maternelle, a dû lui dire pour le moins comme ce roi d’Égypte au patriarche Joseph : « Rien ne se fera en Égypte, rien ne s’y entreprendra, rien n’y bougera que par votre volonté. » Ô Reine universelle, Mère et Maîtresse du Royaume de Dieu ! j’aurai donc mon recours à vous en tous mes besoins de nature, de grâce, de fortune, d’infortune, de vie et de mort, de temps et d’éternité ; car le Tout-Puissant a fait de si grandes choses en vous qu’il vous a rendue toute-puissante auprès de Lui. Les mérites du Sauveur sont mon fonds, mon espérance et ma confiance, par la puissance des intercessions miséricordieuses de Marie.

Révérons aujourd’hui la plénitude de la sainteté en la divine Marie. Elle a eu, à elle seule, plus de sainteté que tous les Saints ensemble, suivant cette parole du psalmiste : Elle a été fondé sur les montagnes saintes, qui sont les âmes les plus élevées en l’ordre de la grâce ; elle a donné au monde le Saint des saints ; sa demeure a été dans le sanctuaire et le Très-Haut a sanctifié son tabernacle pour en faire le comble de toute sainteté, en l’un et en l’autre Testament. Or, comme cette plénitude de sainteté l’a tenue infiniment éloignée de toutes sortes d’imperfections, nous ne devons point présumer d’appartenir à Marie, la Sainte des saintes et la Mère du Saint des saints, tant que nous serons pécheresses et infidèles à la grâce.

Congratulez aujourd’hui la Sainte Vierge du culte public et particulier que toute l’Église lui rend trois fois le jour, au son de la cloche, la saluant et lui rendant hommage avec l’Ange, pour la remercier du consentement qu’elle a donné au mystère de la très-sainte Incarnation, et pour adorer en elle, d’une adoration de latrie, le Verbe fait chair. Promettez aujourd’hui à cette Reine céleste une nouvelle attention et fidélité à cette dévote pratique, et renouvelez les sentiments de gratitude et les continuelles actions de grâces que l’Église veut que ses enfants rendent à la glorieuse Mère de Dieu.

Finissons ce mois du règne de la très-sainte Mère de Dieu plutôt par une élévation et silence d’esprit que par toute autre action, confessant que Marie, Mère de Dieu, est au-dessus de toutes louanges, que Dieu seul peut la glorifier, et qu’en lui disant souvent avec un profond sentiment de vénération : « Mère de Dieu », c’est la combler de tous les honneurs.

Plusieurs de ses dévots ont essayé de la louer, les uns d’une façon, les autres d’une autre, et enfin, dit notre saint Fondateur, le nom, le titre et la qualité de Mère de Dieu doivent finir toutes nos applications, et nous mettre à ses pieds dans un état de confiance, de silence et d’amour. Ce n’est pas qu’il ne faille essayer en toutes manières de l’honorer extrêmement et intérieurement ; il est même très-consolant de réitérer quelquefois avec respect les divers titres et qualifications que les Saints donnent à cette auguste Reine, et de lire avec une dévote complaisance le recueil qu’ils en ont fait, tiré des Écritures et des ouvrages des saints Pères. Ouvrez donc notre cœur, ô divine Reine ! et éclairez notre esprit de vos pures lumières, afin que, si notre bouche n’a point de termes assez grands pour vous louer, nous nous appliquions du moins à la contemplation de vos grandeurs infinis, et que nous demeurions humblement prosternées au pied de votre trône céleste pour en admirer l’éclat, plutôt que de vouloir entreprendre d’en louer la magnificence, aussi bien que vos perfections.

& PAROLES + PDF de ce Cantique de l'EXPLICATION du ROSAIRE)

PDF illustré du ROSAIRE : méthode montfortaine en 12 pages